Plus de suicides après un pic de pollution
Suite à un pic de pollution, on observe une hausse de 20% des suicides dans la population, en particulier chez les hommes, révèle une étude américaine publiée dans l’American Journal of Epidemiology. S’il est pour l’instant difficile d’établir un lien de causalité, les explications biologiques ne manquent pas.
Encore peu connu, le phénomène a déjà été mis en évidence en 2010 en Corée du Sud, puis en 2011 à Taïwan. Or les pays asiatiques présentent une sociologie du suicide particulière : taux plus élevé, taux femmes/hommes plus élevé, plus de personnes âgées. Difficile d’étendre ces conclusions aux pays occidentaux, tant les causes de suicide, qu’elles soient sociales, environnementales ou génétiques, sont complexes.
C’est pourtant ce à quoi sont parvenus Amanda Bakian, psychiatre à l’université d’Utah à Salt Lake City, et ses collègues. Les chercheurs ont analysé 1.546 suicides survenus entre 2000 et 2010 dans cette ville de l’ouest des Etats-Unis, uniquement des tentatives « réussies », en fonction de la concentration atmosphérique de plusieurs polluants.
C’est avec le dioxyde d’azote (NO2) que le lien est le plus marqué : dans les 3 jours suivant un pic atmosphérique, le risque de suicide est accru de 20%. Quant aux particules de moins de 2,5 µm (PM2,5), les chercheurs observent une légère hausse, de 5%.
+35% au printemps
Particulièrement sensibles à cet effet de la pollution, les hommes et les personnes âgées de 36 à 65 ans voient leur risque s’accroître encore plus au printemps et à l’automne, jusqu’à 35% par rapport à une période sans pic de NO2. Le risque suicidaire est notoirement plus élevé lors des saisons de transition qu’en hiver ou en été, probablement pour des raisons météorologiques.
S’il n’est pas exclu que la pollution cache d’autres facteurs de risque, elle pourrait fort bien jouer un rôle physiologique direct. Parmi les hypothèses évoquées par les chercheurs, le NO2 et les particules fines pourraient, par leurs effets inflammatoires, exacerber une dépression préexistante. Ou encore entraîner une moindre oxygénation du cerveau, favorisant ainsi la production de sérotonine, neurotransmetteur lié au risque de suicide
« Si l’étude ne prouve pas que la pollution de l’air déclenche un passage à l’acte, elle suggère que ces polluants pourraient interagir avec d’autres facteurs dont on sait qu’ils accroissent le risque de suicide », concluent les chercheurs dans un communiqué de l’université de l’Utah. Prochaine étape pour l’équipe, mieux cerner les facteurs, sociologiques, démographiques et génétiques, associés au risque suicidaire après un pic de pollution.
Source : Journal de l’environnement