Bouter la voiture hors des villes
Pour lutter contre la pollution de l’air qui reste préoccupante en France, la ministre chargée de l’écologie a présenté lors des premières assises nationales de la qualité de l’air qui se sont tenues aujourd’hui 6 avril à Paris, les zones d’actions prioritaires pour l’air. L’expérimentation sera lancée à partir de 2012 dans 8 villes. Elle permettra d’exclure des agglomérations, les voitures les plus polluantes.
La ministre chargée de l’écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, a rappelé que la pollution de l’air n’était pas simplement « une gêne », mais « une vraie menace pour la santé ». Le bilan 2010 de la qualité de l’air en France montre « une tendance à la baisse des niveaux enregistrés pour plusieurs polluants, mais on reste très inquiets pour les particules inférieures à 10 micromètres (PM10), sur lesquelles on a du mal à agir », a indiqué la ministre.
Les concentrations de particules fines ont légèrement décru en 2010 mais ce sont encore 15 agglomérations de plus de 100.000 habitants qui ont été touchées par des dépassements des valeurs-limites (contre 26 en 2007), selon le ministère. Et les premières données 2011 font d’ores et déjà état de plusieurs dépassements journaliers pour ces mêmes particules fines.
Pour le dioxyde d’azote, la situation reste également « préoccupante » avec 24 agglomérations touchées par des dépassements de valeurs-limites en 2010, contre 21 en 2009 et 18 en 2008. « Sur les 10 dernières années, on a fait -48% sur le dioxyde de soufre, -26% pour les oxyde d’azote et -22% pour les particules PM10, mais cela ne suffit pas », a reconnu Nathalie Kosciusko-Morizet.
« Il y a encore trop de personnes qui voient ça comme une gêne. La pollution, ce n’est pas une gêne, c’est une vraie menace pour la santé », a-t-elle insisté, rappelant que la pollution aux particules serait à l’origine de 42.000 morts prématurées par an en France et de nombreuses maladies (asthme, allergies, maladies respiratoires et cardio-vasculaires). Des particules qui proviennent des fumées de combustion, du trafic routier, des industries, du chauffage domestique et du brûlage.
L’étude Aphekom publiée en mars 2011 estimait à 5,8 mois à Paris, 7,5 mois à Marseille, 5 mois à Bordeaux, la perte d’espérance de vie associée à un niveau de concentrations de particules fines supérieur au seuil de l’OMS pour les personnes âgées de 30 ans et plus. L’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) a établi que la population exposée en France à des dépassements de normes de particules dans l’air ambiant représentait 15 millions de personnes en 2007, 1,3 million en 2008 et près de 6 millions en 2009.
Les dépassements de particules fines dans une quinzaine de sites en France sont « à l’origine de procédures contentieuses avec la Commission européenne », a rappelé la ministre.
Pour lutter contre ces pollutions et améliorer la qualité de l’air, le plan Particules fixe à l’horizon 2015, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, un objectif de réduction de 30% des particules fines de diamètre inférieur à 2,5 micromètres. Une réduction qui devra s’appliquer dans tous les secteurs : traitement des particules et des oxydes d’azote dans les usines, couverture de fosse pour l’agriculture, filtres sur les cheminées individuelles à bois…
Mais la ministre de l’écologie a surtout tenu à annoncer, lors de ces assises, sa volonté de bannir hors des villes les véhicules les plus polluants. Huit villes[1] sont déjà volontaires pour expérimenter les zones d’actions prioritaires pour l’air (Zapa) : à partir de 2012 et pour 3 ans, un plan d’action permettra de restreindre la circulation de ces véhicules dans les agglomérations. « Les Zapa doivent être des moyens de redynamiser les centres-villes et de favoriser l’émergence de nouveaux modèles d’organisation de l’espace urbain et de services, tels que les plates-formes d’éco-logistique pour la livraison de marchandises en ville. Les Zapa doivent également inciter les constructeurs à concevoir des véhicules de moins en moins émetteurs de particules, c’est avant tout un enjeu de santé publique », a rappelé Nathalie Kosciusko-Morizet.
« On souhaite une démarche volontaire et progressive, c’est un système qui se veut ni punitif, ni contraignant », a insisté la ministre. Le périmètre géographique et certaines modalités, comme les horaires ou les périodes d’interdiction, seront fixés par chaque ville.
Le concept des Zapa est issu des « Low Emission Zones » (LEZ), des zones où les véhicules sont interdits d’accès si leurs moteurs ne répondent pas à certaines normes d’émission ou d’équipements. En Europe, il en existe plus de 160 réparties dans 8 pays. « C’est quelque chose qui a bien fonctionné en Europe », a précisé Nathalie Kosciusko-Morizet. Mais en général les bénéfices sur la qualité de l’air sont variables d’une LEZ à l’autre. Depuis l’entrée en vigueur de ces zones en 2008, Londres a connu une diminution de 19% de ses émissions de particules fines (PM10), Berlin, 25% et Stockholm, 40%.
La ministre a saisi l’occasion pour annoncer la prochaine nomination de Martial Saddier, député de Haute-Savoie, à la présidence du Conseil national de l’air (CNA), en remplacement de Philippe Richert nommé ministre chargé des collectivités territoriales en novembre dernier. Le Conseil national de l’air est également renforcé par la nomination de deux vice-présidents : Serge Orru, directeur général France de WWF et de Jean-Louis San Marco, président de la fédération nationale d’éducation et de promotion de la santé.
source : Journal de l’environnement