Les Zapa ne passent pas

Les zones d’action prioritaires pour l’air (Zapa) peinent à voir le jour, ce qui pourrait coûter très cher à l’Etat. Sur les 7 collectivités locales volontaires, aucune n’a encore déposé de dossier alors que la date fatidique est fixée au 13 juillet. La ministre de l’écologie a décidé de leur écrire en annonçant son intention d’adapter le cadre.

Vendredi 13 juillet, dernier jour pour le dépôt des candidatures des villes volontaires aux Zapa. Ces zones d’action prioritaire pour l’air sont applicables aux communes de plus de 100.000 habitants qui désirent mettre en place des restrictions de circulation dans leur centre-ville. Mais aucune ne déposera de dossier définitif aujourd’hui.
C’est le Grenelle de l’environnement qui a lancé l’initiative des Zapa, permettant notamment aux collectivités qui le souhaitaient de limiter l’accès des centres-villes aux véhicules les plus polluants. Néanmoins, « ce dispositif s’est avéré trop rigide et socialement injuste », souligne le ministère dans un communiqué. Constatant qu’aucune ville n’est prête et que le dispositif est susceptible de pénaliser excessivement certains propriétaires de véhicules anciens, la ministre de l’écologie Delphine Batho a adressé le 12 juillet une lettre aux 7 villes concernées en annonçant une adaptation du cadre de ce projet.
Lancé en avril 2011, le projet Zapa classe les véhicules en 4 catégories de A à D, selon leur date de première mise en circulation, correspondant aussi à une échelle des plus aux moins polluants. Chaque ville doit décider des périmètres, des horaires et des périodes d’interdiction pour les deux-roues, les voitures particulières, utilitaires, poids lourds et bus. Alors que 8 villes s’étaient portées candidates à leur expérimentation, à compter de juillet 2012, Nice a abandonné le projet. « Le dispositif est très compliqué, peu efficace et il est incompris d’une grande partie des gens qui le prennent comme une mesure discriminatoire à leur égard », s’est justifié à l’époque le député-maire Christian Estrosi (UMP) (voir JDLE).
Les autres villes -Aix-en-Provence, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Grenoble, Lyon, Paris, Saint-Denis - demandaient des délais supplémentaires pour mettre le dispositif en place, ainsi qu’une révision des critères. Quelques villes se déclarent actuellement prêtes à lancer leur Zapa en 2013, soit un an avant les élections municipales de 2014.
Sur la base des premiers rapports préliminaires qui seront remis aujourd’hui 13 juillet par quelques villes-tests, comme Lyon qui est une des collectivités les plus avancées, « il y aura une réflexion plus large, sans tout refaire », indique le ministère. « Le principe du volontariat sera conservé, mais il s’agira de trouver des structures plus souples en tenant compte de l’enjeu de justice sociale. ».
« Avant de redéfinir le dispositif, nous voulons que madame Batho mène une concertation avec les représentants des usagers de la route », indique la Fédération française des motards en colère (FFMC), très mobilisée contre les Zapa. La FFMC a saisi le défenseur des droits, Dominique Baudis, contre la discrimination par la classe sociale que ces zones entraînent selon elle.

L’Automobile Club Association (ACA), représentant les usagers de la route en France, interpelle les élus des 7 villes-tests sur les aspects antisociaux évidents. Dans un courrier, le président de l’ACA Didier Bollecker rappelle que les acheteurs de véhicules diesel récents avec un bonus mais sans filtre à particules sont privés d’accès aux zones concernées par les Zapa.
Le président de l’ACA dénonce également la discrimination à l’égard des personnes ne pouvant acheter des véhicules neufs, notamment les ménages modestes et les jeunes.
La ministre de l’écologie insiste, quant à elle, sur sa volonté d’engager une réflexion plus générale sur les mesures structurelles nécessaires à l’amélioration de la qualité de l’air. Elle indique que la qualité de l’air fera partie des thèmes proposés à la concertation nationale sur la transition énergétique.
Delphine Batho annonce enfin la constitution d’un groupe de travail avec les collectivités volontaires pour examiner les difficultés qu’elles rencontrent et élaborer des plans d’action complets et applicables.
Bruxelles a ouvert une procédure contre la France devant la Cour de justice européenne (CJUE) en raison de ses mauvais résultats en termes de lutte contre la pollution aux particules fines, avec des dépassements des seuils-limites d’exposition dans de nombreuses villes.
L’Europe compte à l’heure actuelle 182 Zapa. Mais la France, très en retard, risque d’être lourdement sanctionnée financièrement. Bruxelles s’apprête à appliquer une amende forfaitaire annuelle de 10 millions d’euros auquel s’ajoute une pénalité de 240.000 € par jour de dépassement des niveaux de pollution de l’air prescrits par les directives sur la qualité de l’air. « Les dernières villes sont Lisbonne et Prague et les Allemands sont tellement avancés qu’ils commencent, comme dans le Bade-Würtenberg, à regrouper les Zapa entre elles pour les rendre plus efficaces et éviter la présence de voiture dans les villes. Nous devons agir rapidement », souligne Joëlle Colosio, chef du service Evaluation de la qualité de l’air à l’Ademe.
Une projection des niveaux de pollution de ces dernières années sur l’ensemble des villes françaises concernées montre que la punition pourrait atteindre 100 M€ dès 2016.
Et c’est l’Etat qui devra mettre la main à la poche.
La pollution aux particules serait à l’origine de 42.000 morts prématurées par an en France et de nombreuses maladies (asthme, allergies, maladies respiratoires et cardio-vasculaires).

Le 13 juillet 2012 par Geneviève De Lacour

source : Journal Environnement


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