Vers une surveillance nationale des pesticides dans l’air ambiant
L’Anses a publié le 19 octobre, les résultats de travaux d’expertise collective visant à proposer les modalités de mise en œuvre d’une surveillance nationale des pesticides dans l’air ambiant en France métropolitaine et dans les départements et régions d’outre-mer (DROM). Fondée sur une liste de 90 substances prioritaires, cette surveillance nationale doit permettre d’évaluer l’exposition chronique de la population générale et les risques sanitaires associés. L’Agence recommande en complément de mettre en place des campagnes de mesures ponctuelles visant à évaluer l’exposition de populations vivant à proximité des sources d’émissions de pesticides, notamment les riverains de zones agricoles.
Depuis plus de 10 ans, les Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA) collectent en différents points du territoire des données sur les concentrations en pesticides dans l’air ambiant. Malgré la grande richesse de ces données, l’exposition aux pesticides présents dans l’air ambiant des populations agricoles, riverains de zones agricoles ou de la population générale, reste difficile à estimer. En effet, en l’absence de réglementation spécifique, la connaissance des niveaux de contamination en pesticides dans l’air ambiant demeure partielle et hétérogène.
L’Anses a ainsi été saisie par les ministères en charge de l’agriculture, de l’écologie, de la santé et du travail afin d’apporter son expertise scientifique à la définition de modalités de mise en œuvre d’une surveillance nationale des pesticides dans l’air ambiant en France métropolitaine et dans les départements et régions d’outre-mer (DROM). Cette demande des ministères de tutelle s’inscrit par ailleurs dans le contexte plus récent de l’arrêté du 10 mai 2017, établissant le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) pour la période 2017-2021, qui prévoit d’évaluer et de réduire la présence des produits phytopharmaceutiques dans l’air.
L’expertise réalisée par un groupe d’experts pluridisciplinaires, s’appuyant notamment sur le retour d’expérience des AASQA, a conduit à :
- établir une liste de substances à surveiller en priorité dans l’air ambiant ;
- émettre des recommandations sur la stratégie d’échantillonnage et les modalités de prélèvements et d’analyses.
Le terme « pesticide », tel qu’il a été pris en compte dans l’expertise, recouvre un grand nombre de substances chimiques entrant dans la composition des produits phytopharmaceutiques ainsi que de certains biocides, médicaments vétérinaires et antiparasitaires à usage humain. Certaines substances peuvent en outre ne plus être utilisées, mais être présentes dans l’environnement du fait de leur biopersistance.
A l’issue de l’expertise, l’Anses rappelle en premier lieu la pertinence et la nécessité de surveiller les pesticides dans l’air ambiant. Cette surveillance doit permettre in fine, d’évaluer l’exposition chronique de la population générale et les risques sanitaires associés. A l’avenir, ces données pourront servir à évaluer la contribution de l’exposition via l’air ambiant à l’exposition totale aux pesticides, en vue de conduire une évaluation des risques sanitaires pour l’ensemble des milieux et des voies d’exposition qui auront été évalués par ailleurs.
Ces données permettront d’informer la population et de prendre des mesures adaptées visant à réduire les expositions si nécessaire. Elles seront également utilisées dans le cadre du dispositif de phytopharmacovigilance de l’Anses, qui a pour objectif de surveiller les effets indésirables des produits phytopharmaceutiques disponibles sur le marché.
Par ailleurs, l’Agence souligne la nécessité de définir un protocole harmonisé de mesures des pesticides dans l’air ambiant applicable au territoire métropolitain et aux départements et régions d’outre-mer.
Près de 90 substances prioritaires ont été identifiées pour être prises en compte, en fonction de leur potentiel de présence dans l’air et de leur potentiel de danger.
Le protocole d’une campagne exploratoire sera défini par le Laboratoire Central de Surveillance de la Qualité de l’Air (LCSQA), en lien avec plusieurs AASQA, sur la base de tests métrologiques qu’il conduit actuellement et des recommandations de l’Agence. L’Anses contribuera au financement de cette campagne par son dispositif de phytopharmacovigilance, dans le cadre d’un partenariat avec le LCSQA et la Fédération ATMO.
L’Anses recommande, à l’issue de la campagne exploratoire, de réaliser un retour d’expérience au regard des critères de faisabilité et de pertinence de la méthode qui a été proposée concernant le choix des molécules prioritaires, les situations d’exposition à considérer et les critères définis pour la classification et la sélection des sites. Ce retour d’expérience permettra de définir la stratégie de surveillance nationale à mettre en œuvre ultérieurement.
L’Agence recommande par ailleurs, et en complément de cette surveillance nationale des pesticides dans l’air, de mettre en place des campagnes particulières permettant notamment d’évaluer l’exposition des populations vivant à proximité des sources d’émissions de pesticides : riverains des zones agricoles, gares et aéroports, zones industrielles, silos, proximité de zones où la lutte anti-vectorielle est mise en œuvre, etc.
Les recommandations de l’Agence seront également utilisées dans le cadre de l’étude qu’elle mène avec Santé Publique France sur l’exposition des riverains de zones agricoles et pour laquelle des mesures environnementales seront couplées à des mesures d’imprégnation dans des milieux biologiques humains (urine, cheveux...).
La liste des substances à surveiller devra être complétée ultérieurement au regard du risque pour les écosystèmes et prise en considération pour mieux renseigner l’exposition humaine aux pesticides dans les environnements intérieurs.
Liste des substances en Martinique